19/07/2022
CRÂNES DE CRISTAL
Crânes de cristal et fin du monde !
Par Jacques Mandorla
Dans le milieu de l’ésotérisme, une énigme passionne de nombreux chercheurs du monde entier : elle fait référence à 13 mystérieux crânes de cristal qui pourraient sauver, paraît-il, notre planète de l’apocalypse… le 21 décembre prochain ! Nous avons mené notre enquête...
Selon une légende ancienne, le jour où 12 crânes de cristal d’origine précolombienne seront regroupés en cercle autour d’un 13e, notre planète sera sauvée d'une destruction certaine !
Sur de nombreux sites Internet circule, depuis plusieurs années, une étrange rumeur : le jour où 12 crânes de cristal de roche (nommé aussi quartz) d’origine précolombienne (inca, aztèque et maya), seront regroupés en cercle autour d’un 13e, notre planète sera sauvée d'une destruction certaine !
Ce « buzz », répandu par les adeptes du New Age, fait allusion à la date du 21 décembre 2012, jour du solstice d’hiver, que nous avons déjà évoquée dans deux précédents articles consacrés, sur ce blog, aux légendes mayas : pour certains, cette date est interprétée comme étant celle de la fin du monde ou, de façon moins dramatique, comme celle de l’arrivée d’un nouveau cycle.
Selon cette légende, ces 13 crânes de cristal renfermeraient d'importantes informations sur les origines de l'humanité, ainsi que les réponses à quelques-uns des grands mystères de la vie et de l'univers.
Personne ne sait, malheureusement, quels sont précisément les 13 crânes de cristal « élus » : en effet, on en dénombre plusieurs centaines de par le monde ! Même Heinrich Himmler, le redouté chef des SS allemands, en possédait un mesurant 17 cm de haut et pesant 9,2 kg. Ce crâne serait aujourd’hui la propriété du journaliste suisse Luc Bürgin.
Heinrich Himmler, le redouté chef des SS allemands, possédait un crâne de cristal mesurant 17 cm de haut et pesant 9,2 kg, aujourd’hui la propriété d’un journaliste suisse.
Parmi ces centaines de crânes, nous en avons sélectionnés 7 qui méritent qu’on les étudie de plus près, car leur histoire n’est pas banale.
Le « crâne du destin » d'Anna Mitchell-Hedges
Anna est la fille adoptive de l’explorateur anglais Frederick Mitchell-Hedges (1882-1959). Elle est décédée en 2007 à l’âge de 100 ans, près de Toronto au Canada où il elle vivait.
Elle affirme avoir découvert en 1924 un crâne de cristal de 13 cm de haut, pesant 5 kg : cette année-là, elle accompagne son père lors d’une expédition de fouilles dans les ruines d’une ancienne cité maya à Lubaantun au Belize (ex-Honduras britannique), petit pays situé entre le Mexique et le Guatemala. Elle aurait fait cette trouvaille dans les ruines d’une pyramide, le jour anniversaire de ses 17 ans (étrange coïncidence !) et sans témoins.
Ce crâne est composé de deux pièces distinctes (la mâchoire est amovible), taillées dans le même morceau de quartz.
Mais la vérité a éclaté le jour où a été retrouvée une note, écrite de la main d'un des anciens conservateurs du British Museum, mentionnant qu'un crâne en cristal de roche avait été mis en vente chez Sotheby, à Londres, le 15 septembre 1943, sous la référence « Lot 54 ». On y lit que « le musée avait essayé d'acquérir le crâne, mais en vain car il avait été, à l'époque, acheté par le marchand d'art londonien Sydney Burney, puis vendu à un certain Mitchell-Hedges pour 400 livres » !
Le crâne n’était donc pas chez les Mitchell-Hedges depuis 1924, comme Anna le prétendait, mais seulement depuis 1943.
Anna Mitchell-Hedges a prétendu avoir découvert seule ce crâne de cristal, en 1924, dans une ancienne cité maya à Lubaantun au Belize (ex-Honduras britannique). On a aujourd’hui la preuve qu’elle a menti.
Le crâne « Sha Na Ra » de Nick Nocerino
Nick Nocerino, décédé en 2004, était un étrange personnage : il se disait maître chaman et guérisseur, intéressé par l’occultisme et la magie blanche (Wicca).
En 1955, il fonde la Society of Crystal Skulls International (Société internationale des crânes de cristal) avec, pour mission, de rechercher et d’étudier tous les crânes de cristal existant sur la planète.
Il possédait lui-même un crâne de cristal, appelé « Sha Na Ra » du nom d’un de ses amis guérisseurs, qui aurait été découvert vers la fin des années 1990, lors d’une exploration archéologique à Guerrero, au Mexique, par des archéologues qui suivirent ses propres indications de fouilles ! Malheureusement pour lui, aucun archéologue n’a jamais confirmé ce récit.
Nick Nocerino, au cours d’une séance destinée à percevoir des informations « télépathiques » qui seraient émises par son crâne de cristal « Sha Na Ra ».
Le crâne « Max » de Jo-Ann Parks
L’histoire de ce crâne est liée à un personnage peu fiable, nommé Norbu Chen, ex-marine de l’armée américaine né en 1934, de son vrai nom Charles Vernon Alexander, qui se prétend guérisseur. Il affirme avoir suivi l’enseignement de la secte bouddhiste tibétaine des Bonnets Rouges et avoir rencontré, en Amérique centrale, des prêtres mexicains pratiquant d’anciens rites mayas, qui lui auraient offert un crâne de cristal, surnommé « Max », découvert au cours des années 1920 dans une tombe au Guatemala.
Un jour, Norbu Chen rencontre Carl et son épouse Jo-Ann Parks à son cabinet de Houston (Texas), où ils viennent le consulter dans l’espoir de faire soigner leur petite fille de 12 ans Diana, atteinte d’un cancer des os. Les parents rapportent que, grâce à son aide et à celle de « Max », leur fillette parvint à vivre trois ans de plus.
Norbu Chen offre alors l'objet sacré à Jo-Ann Parks. Cette dernière, ne sachant qu'en faire, dit l’avoir oublié au fond d'un placard pendant sept ans, jusqu'à une étrange nuit où elle affirme recevoir un message de la part du crâne : « Max m’a dit avoir quelque chose d'important à dévoiler au monde et m’a conseillé de rechercher un homme qui m’apportera la réponse ». Rien ne se passe jusqu'au jour où, devant son poste de télévision, elle voit un reportage sur un certain Nick Nocerino. Elle prend alors contact avec lui, en se disant qu'il est certainement l'homme qu'elle devait chercher. Étrangement, Nick Nocerino lui confiera par la suite qu'il avait déjà entendu parler de Max et était sur ses traces depuis… 1949 ! Information difficile à vérifier.
Jo-Ann Parks présente son crâne de cristal baptisé « Max » et offert par Norbu Chen, un guérisseur très controversé aux États-Unis (photo : www.moncranedecristal.com)
Le « crâne à la croix reliquaire » de Norma Redo
Norma Redo est une riche décoratrice d’intérieur vivant à Mexico : elle affirme que le crâne qu’elle possède est dans sa famille depuis les années 1840. On sait avec certitude que l'orifice qu'il présente à son sommet a été créé pour y inclure une croix, d'où son nom. Le crâne est posé sur une base en or, comportant plusieurs personnages gravés et une scène miniature de crucifixion.
L’archéologue Andrew Rankin, de l’Université Kingston de Londres, a déterminé que ce crâne a été sculpté dans le même type de cristal que celui du gobelet, datant d’environ 1 000 ans et trouvé dans la tombe n°7 du site zapotèque de Monte Alban au Mexique.
La croix, faite d’or et de quartz, porte le millésime de 1571, mais rien ne prouve qu’elle est contemporaine du crâne. Celui-ci ayant subi des modifications, l'incertitude demeure quant à son authenticité. D’autant plus que des analyses scientifiques ont montré la présence de traces d'usinage industriel, technique inconnue des populations précolombiennes.
Le crâne de cristal de Norma Redo possède, au sommet, un orifice destiné à recevoir une croix reliquaire portant le millésime de 1571.
Le crâne du Quai Branly (Paris)
Ce crâne de cristal ressemble beaucoup à celui d’Anna Mitchell-Hedges. Seule différence : sa mâchoire n'est pas séparée du reste du crâne. Mesurant 11 cm de haut et pesant 2,8 kg, translucide et en un seul bloc, il possède au sommet un orifice destiné probablement à recevoir un crucifix, comme le crâne de Norma Redo.
Ce crâne de cristal a été vendu par Eugène Boban à l’explorateur Alphonse Pinart, qui le céda en 1878 au musée d’Ethnographie du Trocadéro, devenu musée de l’Homme, puis musée du quai Branly où il réside toujours.
Après avoir longtemps été considéré comme un chef-d’œuvre aztèque représentant le dieu de la mort Mictecacihuatl, il est aujourd’hui considéré comme un modèle fabriqué au XIXe siècle en Allemagne à partir de quartz brésilien et passé entre les mains de l’antiquaire français Eugène Boban, dont le nom véritable était André Eugène Boban-Duvergé (1834-1908).
Beaucoup de pièces précolombiennes (vraies ou fausses !) vendues en France dans la deuxième moitié du XIXe siècle ont transité, en effet, par lui. Ainsi, en 1875, Boban a vendu près de 2 000 objets (dont ce crâne de cristal) à l’explorateur Alphonse Pinart, qui les céda en 1878 au musée d’Ethnographie du Trocadéro, devenu musée de l’Homme, puis musée du quai Branly où il réside toujours. À noter que ce fut le premier crâne de cristal à entrer dans un musée.
Eugène Boban, célèbre antiquaire français du XIXe siècle, n’avait pas beaucoup de scrupules : il était spécialisé dans la vente d’objets précolombiens… vrais ou faux !
Le crâne du British Museum (Londres)
Ce crâne, sculpté dans du quartz brésilien opaque, aurait été vendu, au milieu des années 1890, par l’inévitable antiquaire français Eugène Boban ! Ce dernier a affirmé l’avoir acquis auprès d’un mercenaire mexicain, qui l’aurait lui-même trouvé dans une cité maya localisée au Mexique. Ces faits sont, malheureusement, invérifiables !
Boban a d’abord proposé ce crâne, sans succès, à la Smithsonian Institution de Washington. Il parvient finalement à le vendre au célèbre joaillier Tiffany's, installé à New York depuis 1837, auquel le British Museum le rachète en 1898 pour l’exposer : il est alors présenté comme un objet précolombien. Jusqu’en 2004 où des experts décèlent des traces d’outil métallique, matériel qui était totalement inconnu des sociétés sud-américaines de l’époque. Le British Museum a immédiatement rédigé un nouveau texte sur l’étiquette de présentation : « Ce crâne de cristal date de la fin du 19e siècle. Il était auparavant considéré comme aztèque, mais de récentes recherches prouvent qu’il est d’origine européenne ».
Le British Museum a modifié le texte sur l’étiquette accompagnant son crâne de cristal, précisant : « Fin du 19e siècle. Il était auparavant considéré comme aztèque, mais de récentes recherches prouvent qu’il est d’origine européenne ».
Le crâne de la Smithsonian Institution (Washington)
Ce crâne a une histoire étonnante : un jour de 1990, la Smithsonian Institution, établissement de recherche scientifique situé à Washington et géré par le Gouvernement américain, reçoit un colis contenant un crâne accompagné d’une carte de visite : « Ce crâne aztèque en cristal, qui aurait appartenu au Président mexicain Porfirio Diaz, a été acheté à Mexico en 1960. Je l’offre sans contrepartie à la Smithsonian Institution. Je souhaite, bien entendu, rester anonyme ».
Si ce crâne a réellement appartenu au dirigeant mexicain, qui vécut entre 1830 et 1915, il est donc âgé d’un siècle au minimum.
Sa caractéristique est d’être le plus grand des crânes de cristal connus : il mesure, en effet, 25 cm de haut et pèse 14 kg ! Il n'est pas transparent, mais translucide et trouble. Sa mâchoire inférieure n’est pas séparée du crâne.
Il a été soumis à diverses expertises scientifiques effectuées, d’un côté, par Jane Walsh (voir plus loin) et, de l’autre, par Margaret Sax, spécialiste de l’analyse d’usure au British Museum de Londres et Ian Freestone, professeur à l’Université de Cardiff. Ces derniers ont détecté, au moyen d’un microscope électronique, des traces de disque de cuivre ou d'acier ayant permis de polir ce crâne. L'artisan a dû également utiliser un abrasif afin de faciliter son travail : des particules de carborundum ont, en effet, été trouvées grâce à une analyse aux rayons X. Or, le carborundum est un abrasif de synthèse relativement récent puisqu’il n’a été inventé qu’en 1893 par le chimiste américain Edward Goodrich Acheson. Ce crâne appartenait-il aussi à Eugène Boban ? C'est fort possible car, à cette époque, Eugène Boban était alors en pleine activité, puisqu’il n’est mort qu’en 1908.
Ce crâne, offert en 1990 à la Smithsonian Institution par un donateur anonyme, aurait appartenu à un ancien Président du Mexique, Porfirio Diaz (1830-1915).
Des tests scientifiques imparables
Un fait est certain : à ce jour, aucun archéologue professionnel n’a encore directement découvert de crânes de cristal lors de fouilles officielles.
Pour faire le tri entre vrais et faux crânes de cristal, il est donc préférable de se référer aux travaux entrepris par différents scientifiques. Les plus pertinents sont ceux de Jane Walsh, chercheuse à la Smithsonian Institution de Washington. Voici les principaux résultats de ses analyses effectuées en 2005.
Les travaux scientifiques de Jane Walsh, chercheuse à la Smithsonian Institution de Washington, ont permis délucider l'énigme des crânes de cristal.
Pour elle, les crânes les plus anciens, comme ceux de Londres et de Paris, sont des faux, fabriqués en Allemagne entre 1867 et 1886, à partir de quartz venant du Brésil. Ils proviennent tous de la même source : Eugène Boban, cet antiquaire français qui a longtemps vécu au Mexique du trafic de vrais (mais aussi de faux !) objets archéologiques.
La technique employée par Jane Walsh consiste à nettoyer d’abord le crâne au moyen d’une brosse, en insistant principalement sur les endroits ayant demandé le plus de soin lors de leur réalisation, comme les yeux et les dents. Puis, à effectuer un moulage, au moyen d’une résine, des parties à étudier. Enfin, à examiner ces moulages au microscope électronique à très fort grossissement.
Ainsi, Jane Walsh a pu détecter, sur la surface du crâne du British Museum, des marques droites et parfaitement espacées, qui démontrent qu’une meule de polissage moderne a été utilisée. En effet, un polissage manuel aurait conduit à la formation de minuscules traces réparties de façon aléatoire.
Par ailleurs, il faut noter que la technique de datation au Carbone 14 ne permet pas de connaître l’âge d’un cristal. Fort heureusement, il existe une autre technique, fondée sur l'hydratation du quartz et créée par Jonathon Ericson, archéologue de l'université d'Irvine en Californie. Dès qu’un morceau de quartz subit une fêlure, l'eau y pénètre et forme une couche d'hydratation. L'épaisseur de la couche est alors mesurée à l’aide d’un faisceau de particules d'azote, déterminant ainsi quand l'objet a été produit. Cette méthode a ainsi permis de déterminer que le crâne du British Museum a été fabriqué dans une période comprise entre 1770 et 1920, dates qui sont cohérentes avec celles données par Jane Walsh (1867-1886). Ce crâne n’a donc rien de précolombien.
Et la légende maya de la fin du monde liée à ces crânes ne tient plus. Alors rendez-vous le 22 décembre 2012 au matin !
22:14 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.